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Cathédrale de Fidenza

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Cathédrale de Fidenza
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Image by kristobalite
Cathédrale (partiellement) romane ; commune de Fidenza, province de Plaisance, région d'Emilie-Romagne, Italie

... La façade est de beaucoup la plus importante du monument, ... Il s'agit d'une façade incomplète : sont revêtues de pierre (un grès « pauvre », mais d'un beau jaune patiné) les deux tours latérales et la partie inférieure avec les trois portails, tandis que la partie supérieure avec son couronnement à deux rampants reste en brique brute, le matériau de construction le plus courant dans la vallée du Pô. Ces surfaces montrent à l'évidence les départs qui devaient servir à la continuation du revêtement.

La façade a des proportions harmonieuses, tendant au carré. Les deux tours l'encadrent et lui donnent de la vigueur, mais sans lui imprimer l'élan vertical typique de l'architecture du Nord; leur hauteur -pinacles exceptés - égale celle du sommet de la façade. Ce ne sont pas des clochers, mais des tours de montée donnant accès aux tribunes de l'intérieur. Le registre inférieur s'ordonne autour de trois portails, précédés de porches, avec une nette prédominance de celui du milieu qui est deux fois plus haut que les autres. Dans les panneaux intermédiaires sont insérés des éléments archi­tecturaux qui relient les portails et en font visiblement un tout : deux niches avec des statues à droite et à gauche du portail médian et deux demi-colonnes au-delà de celles-ci. Sur ce fond, s'étend le décor sculpté; mais le mot « décor » est impropre. La sculpture n'est pas un enjolivement décoratif de l'architecture; c'est au contraire l'architecture qui paraît préparée, comme un livre, à recevoir le message symbolique et didactique exprimé par les sculptures. Dans le cas de Fidenza, évidente est l'unité formelle qui relie tout le registre inférieur de la façade en fonction d'un discours unique que l'artiste a l'intention de développer. Une comparaison qui vient spontanément à l'esprit est celle que l'on peut faire avec la cathédrale languedocienne de Saint-Gilles, autre grand livre ouvert déployé sur trois pages; la similitude s'atténue considérablement cepen­dant si l'on imagine la façade de Fidenza complétée dans sa partie supérieure, comme il avait été prévu. La sculpture à la clef de la voussure cernant le porche médian constitue, comme indiqué plus haut, le centre géométrique, symbolique et structurel de la façade tout entière. Elle représente le Christ en gloire avec deux phylactères : Audi Israël mandata vitae dans la main droite, et Beati pauperes spiritu dans la main gauche. A partir de ce point de repère, nous pourrons remarquer que les bas-reliefs et les sculptures ne sont pas disposés au hasard : il y a une tendance marquée à placer à la droite du Christ tout ce qui est noble et riche (le roi, le pape, l'empereur, etc.) et à sa gauche ce qui est humble et pauvre (les pèlerins, les malades, etc.) - ou du moins hiérarchiquement inférieur à ce qui lui est symétrique. Observons ces sculptures de plus près en partant de la tour Nord (celle de gauche quand on regarde la façade), et en nous reportant ensuite symétriquement du côté opposé. Au-dessus de la corniche qui délimite le premier étage de la tour se déroulait une frise de bas-reliefs s'étendant en façade et sur le côté. Sur la tour Nord, celle-ci est interrompue, mutilée; nous n'y trouvons plus que deux plaques erratiques encastrées ultérieurement, entourées d'une frise de grecques qui en font deux tableaux séparés, à des hauteurs différentes. Sur l'un, le roi Hérode ordonnant le massacre des Innocents, sur l'autre les trois rois mages montant des chevaux au galop. Sur la tour opposée, nous trouvons par contre le bandeau complet des deux côtés avec une frise d'oves dans le bas, de grecques dans le haut. Les thèmes sont d'interprétation difficile. Ici font défaut les légendes qui - ponctuelles et diligentes - se retrouvent sur presque tous les autres bas-reliefs. Le bandeau sur la face principale représente successivement un lion qui dévore un agneau, une lionne qui attaque un cheval, deux hommes qui s'empoignent, deux hommes armés qui font route, un cavalier qui embrasse une dame à longue natte, un chasseur armé d'une arbalète, etc. Ce pourrait être une allégorie des péchés capitaux (la discorde, la luxure...) mais aussi bien une représentation des périls et des aventures du voyage, du pèlerinage. Le thème du pèlerinage revient en effet à plusieurs reprises sur la façade de notre monument ; et nous le retrouvons encore sur le reste de ce même bandeau, au flanc de la tour. On y voit un cortège de voyageurs, les uns à pied, les autres à cheval, se suivant à intervalles réguliers; c'est peut-être le pèlerinage d'un noble qui voyage avec des serviteurs et des hommes d'armes. Dans le cortège on distingue aussi un quadrupède accroupi sur la selle d'un cheval : c'est probablement un guépard de chasse, luxe raffiné apporté d'Orient.

Les porches des deux portails latéraux, en saillie légère, sont très rapprochés du flanc des tours et sont rigoureusement symétriques entre eux : fronton triangulaire surmonté d'un acrotère, bordure de l'arc décoré de figures zoomorphes, colonnettes appuyées sur des figures stylophores elles-mêmes posées sur un haut socle. Symétrie ne veut pas dire identité. D'un portail à l'autre sont volontairement différents toutes les figures et tous les motifs décoratifs, de même que sont différents bien des éléments symétriques sur les deux côtés du portail lui-même. Le sculpteur médiéval se fait un point d'honneur de ne jamais se répéter servilement. Plus la ressemblance est grande, plus obstinée est la recherche d'un élément même minime de diversification. Il suffît d'observer les deux têtes de taureau sur la face antérieure des consoles de l'avant-corps septentrional : les deux taureaux semblent identiques à première vue, et cependant ils diffèrent dans la touffe de poils, plate pour l'un, frisée pour l'autre, dans la rosace au milieu du front et enfin dans les naseaux qui sur l'un sont plissés, sur l'autre non. Le porche septentrional est surmonté d'un acrotère qui représente un personnage en toge non identifié mais probablement très important, peut-être un empereur : à ses côtés se trouvent en effet deux hérauts qui sonnent la trompe. Son symétrique sur le porche méridional offre par contre une figure de mendiant encapuchonné qui s'appuie sur un bâton et porte sur le dos un fagot de bois. Kaimondinus vilis, dit la légende. Il s'agit de saint Raymond de Piacenza, un saint mystique du dangereux courant contestataire, pauvre protestataire, mort en 1200 et très vénéré dans le pays. La comparaison entre le personnage en toge et l'humble Raimondino confirme la répartition qualitative de ce qui se trouve à la droite et de ce qui se trouve à la gauche du Christ. La présence de Raimondino est par ailleurs un précieux indice chronolo­gique qui appuie la date de 1202 considérée comme celle du commencement probable du chantier d'Antelami à Fidenza. Abaissant les regards de l'acrotère au fronton, nous trouvons sur le porche septentrional un bas-relief assez complexe, subdivisé en trois scènes que les légendes aident à interpréter. Au milieu, le pape Adrien II remet à l'archiprêtre de San Donnino la mitre et la crosse; ce sont les symboles de l'autorité épiscopale, mais il est improbable que Borgo ait eu dès ce moment-là le rang de diocèse. Il faut donc interpréter les symboles avec une certaine élasticité ; indices en tout cas d'une situation de prestige et d'autorité marqués pour l'église de Fidenza. A gauche est figuré sur son trône Charlemagne portant le sceptre et flanqué d'un écuyer qui lui tient l'épée. La tradition veut que Charlemagne ait élevé l'église de Borgo au rang d'« église impériale » : ce n'est sans doute qu'un reflet de cette tenace vocation gibeline qu'a toujours ressentie Borgo pour s'opposer à Parme. A droite enfin, une scène qui fait allusion à la réputation de thaumaturge attachée à l'église de Fidenza, grâce aux reliques du saint : un malade (egrotus, précise la légende) descend de cheval et entre à l'église pour demander la guérison. C'est un épisode que nous retrouverons au bandeau sculpté consacré à la vie du saint. Sur le porche méridional, la sculpture du fronton se limite à une figure d'évêque ou de prêtre mitre : probablement l'archiprêtre de Borgo San Donnino lui-même. Le bandeau décoratif bordant l'arc du porche septentrional (qui est tendu entre les deux têtes de taureau déjà signalées) est formé de douze losanges, six de chaque côté, avec des figures d'animaux réels ou imaginaires. Le même bandeau sur le porche méridional porte seize animaux, huit de chaque côté, renfermés chacun dans un élégant panneau encadré de feuillage; sur l'archivolte se tiennent, de dimensions plus grandes, deux griffons affrontés. Deux figures à demi cachées mais fort intéressantes (qui n'ont pas de correspondant sur l'autre portail) occupent l'intrados du même arc : l'une représente Hercule et le lion Némée, l'autre un griffon qui saisit un cerf, toutes deux reconnues comme des œuvres authentiques d'Antelami. Les figures stylophores qui supportent les colonnes des porches sont au Nord deux atlantes agenouillés, au Sud deux béliers. Ces quatre sculptures - étant donné leur position « à portée des enfants » - sont particulièrement abîmées. Les portails qui s'ouvrent sous les porches sont tous deux encadrés de faisceaux de colonnes et d'un arc à voussures multiples, et surmontés d'un tympan. Au tympan du portail Nord se trouve une Vierge à l'Enfant flanquée de deux groupes d'orants; à celui du portail Sud, la figure de saint Michel terrassant le dragon, entourée d'un large bandeau décoratif à rinceaux et feuillage. On voit à l'évidence l'intention du sculpteur de créer la diversité dans la symétrie et d'équilibrer les pleins et les vides : le bandeau décoratif compense la simplicité de la figure de saint Michel et n'a pas d'équivalent de l'autre côté où la représentation plus élaborée de la Vierge avec des orants remplit largement déjà le tympan. Si nous allons des extrémités vers le centre de la façade, nous rencontrons, après les portails latéraux, deux robustes demi-colonnes qui, coiffées de chapiteaux, se terminent à la ligne médiane de la façade. Il convient de mieux définir cette ligne médiane : elle se déploie à mi-hauteur du registre inférieur et le partage nettement en deux. A ce niveau s'alignent, mises en évidence par une légère frise d'oves, les impostes de la première division des tours et le bas des deux frontons des porches latéraux. Au centre, la ligne médiane sépare nettement la partie inférieure, dominée par les lignes verticales des colonnes et des faisceaux de colonnettes, de la partie supérieure où se trouvent les sculptures les plus élaborées : les chapiteaux des demi-colonnes, le long bandeau en bas relief avec l'histoire de saint Domnin, le très riche arc à voussures multiples du portail médian. Quant à la distribution en ombres et lumières des pleins et des vides, nous trouvons les arcs des portails latéraux au-dessous de cette ligne médiane, celui du portail central tout entier au-dessus. Dans le sens vertical, les demi-colonnes divisent la façade en trois parties presque égales et marquent à l'extérieur la division en trois nefs de l'intérieur. Pour cette raison, on peut juger vraisemblable l'hypothèse déjà mentionnée selon laquelle les demi-colonnes étaient desti­nées à se continuer sur toute la hauteur de la façade, comme à Piacenza. Demeurées tron­quées, elles furent surmontées de statues, dont une fait défaut (on ne sait pas si elle s'est perdue ou n'a jamais été exécutée); il reste la statue de gauche, représentant l'apôtre Simon avec un phylactère. L'inscription Simon Apostolus eundi Romam Sanctus demonstrat banc mam témoigne de l'importance de Fidenza comme étape sur la route des pèlerins de Rome. A droite, où la statue fait défaut, on remarque l'absence de pierre de parement au-dessus du chapiteau, indice (mais non preuve) que les demi-colonnes étaient destinées à continuer vers le haut. Le chapiteau situé au-dessous de ce vide est de type corinthien à feuillage. Son lymétrique, qui supporte la statue de Simon, est beaucoup plus élaboré et orné de figures bibliques : sur le devant, Daniel dans la fosse aux lions; sur le côté, Habacuc guidé par l'ange porte sa nourriture à Daniel.

Nous voici arrivés maintenant au portail central, partie la plus spectaculaire où se concentre l'ensemble iconographique le plus complexe. Plus haut de deux marches que les portails latéraux, il est inclus dans un porche en saillie prononcée. Il a comme deux ailes sous la forme de deux niches abritant des statues de prophètes, et surmontées de bas-reliefs dont les thèmes se continuent à l'intérieur du porche; il faut donc les considérer - visuellement aussi bien que thématiquement - comme partie intégrante du portail lui-même. Le porche repose sur de belles colonnes de marbre rouge de Vérone, précieuse note de couleur qui se détache avec éclat sur le jaune de la pierre locale. Deux lions stylophores superbes, disposés sur de hauts socles, sup­portent les colonnes; celui de droite tient serré dans ses griffes un veau, celui de gauche un serpent. Ce sont des sculptures très semblables à celles à l'intérieur de la cathédrale de Parme, exécutées avec une égale maîtrise, et on les considère comme des œuvres authentiques d'Antelami. Les chapiteaux des deux colonnes portent des figurations complexes : scènes de la vie de Marie sur le chapiteau de gauche, les quatre évangélistes sur celui de droite. Ces derniers sont représentés (trois sur les quatre) d'une façon inhabituelle dans l'art roman : mi-homme, mi-animal, mêlant dans une seule figuration l'évangéliste et son symbole. Les deux consoles qui reçoivent la voûte du porche prennent appui d'un côté sur les chapiteaux décrits plus haut, de l'autre sur des atlantes pris dans le mur, personnages barbus et drapés dans leur vêtement. Deux motifs intéressants sont sculptés sur le devant des consoles, au-dessus des chapiteaux : à droite un diable cornu qui tourmente le prophète Job (allusion aux épreuves supportées par lui avec patience), à gauche le père Abraham. Trois petites têtes humaines sur les genoux du patriarche, dans les plis du manteau, représentent la progéniture nombreuse issue du « sein d'Abraham ». Les consoles ont des faces lisses, bordées dans le bas d'une moulure, dans le haut d'une corniche ; sauf sur le devant, elles ne présentent donc pas de sculpture; cependant leur hauteur détermine celle du bandeau en bas relief au-dessus de la ligne médiane, qui apparaît comme une suite géométrique de la console elle-même à l'extérieur et à l'intérieur du porche. Sur ce bandeau se déploie l'histoire illustrée la plus importante de la cathédrale : la série des récits concernant saint Domnin. Ce sont des sculp­tures pleines de vie, de mouvement et de force de persuasion, œuvres d'une main habile. On les considère comme œuvre d'un excellent élève d'Antelami (nous pourrions l'appeler « maître de saint Domnin »), où peut-être Antelami lui-même est intervenu. Elles sont réparties sur cinq panneaux, deux à l'extérieur du porche et trois à l'intérieur, avec les parenthèses des faces « muettes » des consoles. Analysons-les en détail, à partir de l'extrémité de gauche, après le chapiteau de Daniel entre les lions. Le premier panneau contient deux scènes distinctes. Dans l'une, Domnin couronne l'empereur Maximien, nous faisant ainsi savoir que le saint avait le rang de « cubiculaire » ou gardien de la couronne. L'autre semble une reprise de la précédente, avec les mêmes personnages; mais la légende vient à notre aide en nous expliquant que Domnin licentia accepta, Deo servire decrevit, c'est-à-dire qu'il décida de se mettre au service de Dieu avec la permission de l'empereur. Sur l'ébrasement de gauche du portail, au-dessus du faisceau de colonnettes et de piliers (huit en tout, sans chapiteaux) est disposé le second panneau qui représente la fuite de Domnin. La scène commence par une nouvelle réplique de Maximien, dans une attitude courroucée (la main qui se tient la barbe, signe de colère) et se poursuit avec le motif des fugitifs, Domnin et d'autres chrétiens fidèles à sa personne, qui s'éloignent derrière une colline. Le troisième panneau, qui occupe toute la longueur du linteau, est le plus vigoureux et le plus mouvementé, séquence cinématographique exprimée dans un langage concis et réduit à l'essentiel. Des tours d'une ville sortent deux cavaliers au galop, l'épée dégainée, qui poursuivent Domnin, lui aussi à cheval; le saint brandit une croix et un nimbe couronne sa tête. Après le passage de Piacenza (une autre tour où se montrent divers petits personnages avec l'inscription civitas Placentia) réapparaissent les poursuivants. Domnin est pris, et la scène suivante illustre son martyre sur les rives du Stirone. La figure centrale de la scène est le bourreau, vêtu d'une cotte de mailles, l'épée haute prête à tomber sur le cou de la victime; placée en diagonale par rapport aux épées des personnages précédents, cette lame dégainée est la note vibrante qui anime toute la composition, le cœur de toute l'histoire. Vient ensuite le martyr décapité, la tête coupée reposant sur un socle, puis à nouveau le martyr avec la tête dans ses bras qui se prépare à traverser le torrent Stirone (Sisterionis, précise la légende); au-dessus, deux anges en plein vol emportent la tête (c'est-à-dire l'âme) de Domnin au ciel. Avec le quatrième panneau (ébrasement de droite du portail, au-dessus des colonnettes qui ont ici de petits chapiteaux à feuillage) commencent les scènes des miracles du saint. Le corps de Domnin est étendu dans le sépulcre, sa tête entre ses mains. A l'église construite plus tard en cet endroit un malade se rend pour demander la guérison : c'est le même "aegrotus" déjà rencontré sur un bas-relief de la tour septentrionale, qui est arrivé à cheval et qui entre en se courbant avec peine dans l'église représentée aussi petite qu'une niche. En sortant guéri, le miraculé ne retrouve plus le cheval, volé par un brigand; mais alors intervient encore le saint thaumaturge, et le cheval échappant au brigand revient à son maître. Toute l'histoire est synthétisée en trois figures sur un fond d'arbres : Domnin gisant, Yaegrotus qui s'accroupit pour entrer dans l'église, le brigand qui retient le cheval, une main sur le museau, et s'accroche de l'autre à un arbre. Les légendes complètent le récit en expliquant : hic jacet corpus martyris, hic sanatur aegro-tus, hic restituitur equus. Le troisième et dernier panneau, à l'extérieur du porche, représente un autre miracle, bien plus tardif, et non dépourvu de vraisemblance historique : l'écroulement d'un pont sous le poids d'une grande foule, dont toutes les victimes sortirent indemnes, y compris une femme enceinte. C'est le pont sur le Stirone qui se trouvait devant l'église de San Donnino ...; l'écroulement se produisit à l'occasion de la redécouverte des reliques du saint dans la crypte de l'église, bien des siècles après le martyre, et de leur ostensión aux fidèles. Ce fut précisément le grand concours de peuple qui surchargea le pont et le fit céder. La scène est représentée de façon beaucoup plus élaborée que les précédentes, avec de nombreux personnages (dont la femme enceinte au centre) réunis en une seule composition, une tentative de perspective et une représentation soignée des détails, particuliè­rement dans les poutres du pont. Un large bandeau décoratif à rinceaux avec des fleurs, des feuillages et des grappes de raisin, élégamment dessiné et finement exécuté, typi­que du style d'Antelami, surmonte à l'extérieur du porche les bas-reliefs racontant la vie de saint Domnin. Au-dessus de ce bandeau se trouvent encore, des deux côtés, d'autres bas-reliefs figuratifs; mais leur disposition fortuite et désordonnée montre clairement que ce sont des fragments disparates provenant de la tour septentrionale (où le bandeau sculpté est mutilé, on l'a vu) ou bien d'ailleurs. Ils méritent quand même l'examen, car tous appartiennent à la même « génération » que les autres bas-reliefs, même s'ils ne sont pas tous de la main du « maître de saint Domnin ». A gauche, nous trouvons une Adoration des mages à laquelle fait suite immédiatement le songe de Joseph; à côté nous trouvons le curieux détail de deux corbeaux buvant dans un calice ; pas très facile à expliquer, c'est peut-être un simple divertissement du sculpteur. Ce panneau, par son thème, prend la suite des trois mages à cheval ; il semble donc naturel de supposer qu'il provient de la tour septentrionale. A droite le prophète Élie sur le char qui l'emporte au ciel ; au sol Elisée prie à genoux. La représentation du mouvement ascendant est intéressante : il est rendu par un plan incliné (comme l'aile d'un avion au décollage) sous les sabots des chevaux. Le vent de la course est marqué par la barbe du prophète rebroussée en arrière et par les rubans de sa coiffure qui voltigent. Un troisième panneau disparate se trouve dans le haut, du côté droit : c'est une composition carrée, encadrée d'une frise de grecques, qui représente le prophète Enoch au paradis. Revenons au niveau inférieur, pour examiner les deux « ailes » du portail, à savoir les niches des prophètes et les bas-reliefs qui les entourent. Les prophètes sont David à gauche (recon-naissable à sa couronne) et Ézéchiel à droite : deux superbes statues en ronde-bosse, la tête tournée vers la porte comme s'ils invitaient à entrer, portant deux phylactères qui tous deux développent le thème de la Porta Domini. Ce sont là les œuvres que l'on peut le plus sûrement considérer comme dues à Antelami lui-même. On regarde également comme d'authentiques sculptures du maître les quatre panneaux très élégants avec des animaux fantastiques à double forme, un de chaque côté des deux niches : griffon, capricorne, harpie, centaure. Tous les quatre sont formés des corps de deux animaux, allusion symbolique - dans l'esprit du Moyen Age - à la lutte entre le bien et le mal. Même le cul-de-four des deux niches est décoré de sculptures, au-dessus de la tête des prophètes : une Présentation de Jésus au temple au-dessus de David ; et au-dessus d'Ézéchiel une Vierge à l'Enfant entourée d'un arbre feuillu. Pour finir, les bas-reliefs à côté des niches (au-dessus des quatre panneaux d'Antelami avec des animaux fantastiques) représentent l'ultime invitation à pénétrer dans l'église. Deux anges, un de chaque côté, en indiquent la porte, et derrière eux viennent deux familles différentes de fidèles : pèlerins riches et élégamment vêtus d'un côté ; pèlerins pauvres de l'autre, avec des attributs de paysans. Ici encore se confirme la répartition symbolique déjà signalée : les puissants à la droite du Christ, les humbles à sa gauche. Le Christ-Juge siège sur un trône à l'ar­chivolte du porche (un peu dans l'ombre, à cause du toit protecteur qui le surmonte). Vers lui montent deux files de petits personnages sculptés sur la bordure de l'arc : du côté gauche ce sont six prophètes en commençant par Moïse, qui tiennent en main autant de phylactères avec les commandements (Ancien Testament); du côté droit, se trouvent six apôtres, commençant par Pierre, avec des phylactères se rapportant aux Béatitudes (Nouveau Testament). Les prophètes portent une coiffure conique, les apôtres le nimbe. Les six figures de chaque côté forment en tout le nombre sacré de douze, mais elles n'épuisent pas tous les prophètes, ni tous les commandements, ni les apôtres. Il y a là une invitation à compléter les deux cortèges le long des deux impostes de la voûte du porche; mais nous n'y retrouvons que deux prophètes à gauche et un apôtre à droite. Dernier détail avant de quitter la façade : encastré dans la souche de la tour méridionale, nous trouvons un panneau isolé très abîmé, presque indéchiffrable. Il devait représenter le vol d'Alexandre le Grand avec deux chevaux ailés, légende médiévale d'origine obscure, qui reprend le thème de l'ascension au ciel déjà présenté par le bas-relief du prophète Élie. Plus bas est gravée l'ancienne mesure locale dite trabucco égale à 3 m 27. La façade, d'après les chroniques mesurait huit trabuccbi, soit 26 m 16, chiffre qui correspond avec une approximation honnête à la dimension réelle.

Des deux faces latérales, la face Sud donne sur la rue, tandis que la face Nord - moins intéressante - donne sur la cour de l'évêché. La face Sud est scandée de robustes contreforts, correspondant aux six travées des nefs latérales à l'intérieur. Toute la construction (murs gouttereaux, chapelles, clocher) est en brique : le parement en pierre est en effet réservé aux parties plus importantes, façade et abside. Aux quatre premières travées ont été ajoutées des chapelles d'époque postérieure parmi lesquelles se distingue particulièrement la quatrième, de la fin du XVe siècle, décorée en brique, ... Dans les deux dernières travées, on remarque les arcs brisés aveugles réalisés au cours de la dernière campagne de construction, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Dans la partie haute, au-dessus des chapelles et des arcades aveugles, se déploie une galerie d'arcades en plein cintre à colonnettes, cou­ronnée sous l'égout du toit d'une frise d'arceaux entrecroisés. La même frise est reprise plus haut, terminant le mur extérieur de la nef centrale; cette seconde frise est cependant enrichie d'un bandeau en dents d'engrenage fait de briques mises en biais, procédé stylistique typiquement roman. Une observation minutieuse des chapiteaux des colonnettes a révélé un crescendo marqué dans la finesse de la facture lorsqu'on va de la façade vers l'abside, détail qui semble indiquer une évolution parallèle dans le temps : plusieurs décennies séparent les premiers chapiteaux des derniers. On trouve parmi ceux-ci des chapi­teaux figuratifs pleins de vie : la sirène à double queue, un loup encapuchonné comme un moine, etc. La cathédrale, ..., n'a pas de transept. Le décrochement entre la face latérale et l'abside s'opère donc par l'intermédiaire du clocher, inséré entre la dernière travée de la nef et le mur extérieur du sanctuaire. Le clocher est du XVIe siècle, on l'a dit, mais d'après certaines observations archi­tecturales, il semble avoir été construit à la place d'une tour romane préexistante. Le chevet révèle clairement l'implantation particulière de la cathédrale de Fidenza, .... Ce qui est singulier, c'est la profondeur du sanctuaire (dictée par les dimensions de la crypte, exceptionnellement longue), renforcée par l'absence du transept et par les terminaisons à mur droit des nefs latérales. Vue de l'extérieur, la nef centrale qui se prolonge dans le sanctuaire semble présenter un élan vertical anormal par rapport aux modèles romans; et l'abside semi-cylindrique, isolée, paraît tout aussi haute et élancée. Là où l'œil attendrait une autre abside semi-cylindrique pour terminer la nef latérale Sud par une surface courbe, nous trouvons à la place le prisme du clocher, avec ses arêtes nettes, et en plus son élan vertical. Cette impression de verticalité gothique, due à la solution architecturale adoptée, nous incite à dater l'abside des tout derniers temps de la période de construction de la cathédrale, c'est-à-dire dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Cette impression se trouve confirmée par l'examen du parement de marbre qui manifeste - surtout dans la partie haute et dans le couronnement -un goût très marqué pour le décor. Voyons cela de plus près. Le demi-cylindre de l'abside présente à la base une plinthe très importante en hauteur comme en épaisseur, d'où s'élèvent quatre colonnes qui - recevant trois arcs aveugles en plein cintre - divisent l'abside en trois panneaux jusqu'à plus de la moitié de sa hauteur. Dans chacun de ces trois panneaux s'ouvre une fenêtre simple haute et étroite, encadrée de moulures multiples et flanquée de deux fines colonnettes. Au-dessus des trois arcs se poursuit la galerie d'arcades en plein cintre que nous avons déjà trouvée le long de la face Sud. Ici au chevet les arcades acquièrent une plus grande valeur tant par l'emploi de la pierre au lieu de la brique que par la présence d'éléments décoratifs supplémentaires, comme les rosaces ou autres frises dans les écoinçons des arcs (dont on peut soupçonner cependant que ce sont des adjonctions postérieures). Le bandeau terminal se révèle particulièrement élaboré : une frise d'arceaux entrelacés soutenus par des modillons à petites têtes d'animaux, un ruban en dents d'engrenage, et enfin un large cordon tressé qui fait le raccord avec la corniche de l'égout du toit. C'est peut-être ce dernier trait stylistique qui révèle le plus nettement l'arrivée de la sensibilité gothique au cours de la dernière phase de la construction. La sculpture d'Antelami nous réserve encore - après l'ensemble organisé de la façade -quelques épisodes savoureux, répartis de façon quasi clandestine sur l'abside. Il s'agit de quatre panneaux isolés provenant d'un ensemble dispersé des travaux des mois, et encastrés au hasard dans le mur : un au flanc du sanctuaire, à l'angle qu'il forme avec le clocher; un autre dans le contrefort qui divise le côté de l'abside, deux de part et d'autre de la fenêtre centrale de l'abside. A ceux-ci il faut ajouter, pour le plaisir d'être complet, un segment de frise encastré dans le bas du mur terminal de la nef latérale Sud, très abîmé et presque indéchiffrable, et un relief sur la plinthe de l'abside, dans la partie gauche, représentant un chien qui poursuit un cerf. Il faut accorder une attention particulière aux panneaux des travaux des mois, qui représentent une contribution supplémentaire à ce thème si cher à l'art roman : une page de plus, fragmentaire il est vrai, à comparer aux autres. Le premier panneau (selon l'ordre dans lequel nous les avons mentionnés) représente le mois de mai, sous la forme d'un cavalier avec lance et bouclier, surmonté du signe zodiacal des gémeaux. Ensuite, sur le contrefort, le mois d'août est représenté par une vierge (signe du zodiaque) en train de cueillir des fruits sur un arbre. Puis, à gauche de la fenêtre, mars et avril réunis sur un même panneau, sans signes du zodiaque : mars est un homme barbu sonnant de la trompe, avril une jeune fille avec un bouquet de fleurs. De l'autre côté de la fenêtre, janvier est peut-être la représentation la plus curieuse et la plus savoureuse. C'est un homme à deux têtes (Januarius, dérivé de Janus bifront) et trois jambes (l'une sans pied, repliée) qui se réchauffe au feu sur lequel bout une marmite; celle-ci pend au bout d'une chaîne à gros maillons attachée dans le haut à un bâton ; à celui-ci sont suspendues également trois saucisses mises à sécher. Où pouvaient se trouver à l'origine ces travaux des mois, il est difficile de le dire. L'hypothèse la plus acceptable est celle d'un portail de l'école d'Antelami sur la face Sud, démonté pour faire place à la construction des chapelles. ...

... L'intérieur de la cathédrale de Fidenza - à trois nefs, sans transept -se révèle sobre et sévère ; bien restauré (sentant peut-être un peu trop le neuf dans les maçonneries, les enduits et les marbres du pavement) et heureusement indemne de baroquisation, baldaquins et autres oripeaux. Le jeu de couleurs provient du rouge de la brique apparente, largement contrebalancé par le gris des piliers, des arcs, des colonnes et de l'enduit de la voûte. La nef centrale est divisée en trois travées rectangulaires par de forts piliers composés qui sur leur face interne se prolongent verticalement vers le haut le long des murs jusqu'à la retombée des croisées d'ogives. Trois paires de piliers secondaires - qui montent seulement jusqu'à l'imposte des grandes arcades - divisent en deux l'unité de base et doublent le nombre des travées dans les nefs latérales. Il y a donc six travées carrées par côté, prolongées vers l'extérieur par autant de chapelles qui, sur le flanc Nord, sont de faible profondeur, tandis qu'au Sud elles ont été agrandies (pour les quatre premières travées) par des remaniements des XVe et XVIe siècles. Les nefs latérales sont couvertes de voûtes d'arêtes sans nervures, séparées entre elles par des arcs transversaux en brique. Au-dessus, des deux côtés, se déploient les tribunes, couvertes en charpente apparente, qui donnent sur la nef par six baies quadruples à colonnettes. Prises sur l'épaisseur du mur sont dessinées six arcades en brique, correspondant aux grandes arcades du dessous, et d'égale ouverture; c'est dans chacune de ces arcades que s'insèrent les baies quadruples. Au-dessus des tribunes, les murs ont encore un troisième registre, divisé en trois par les piliers principaux; c'est là que sont situées les fenêtres (simples, six de chaque côté) qui éclairent la nef. Cette répartition de l'espace, et en particulier le trait des tribunes aux baies composées encadrées d'arcades épousant le rythme des grandes arcades, apparente étroitement la cathédrale de Fidenza à celle de Modène. ... Diverses caractéristiques architecturales, beau­coup plus tardives, se rencontrent dans le sanctuaire et en particulier dans le cul-de-four de l'abside; mais la différence la plus évidente vient des voûtes en croisées d'ogives de la nef centrale qui ont probablement remplacé une couverture en bois à charpente apparente dans l'église de 1106 et furent réalisées dans la seconde moitié bien entamée du XIIIe siècle. La largeur de la nef centrale va nettement en diminuant de l'entrée au sanctuaire, passant de 10m50 à 8m 90: c'est un artifice de perspective voulu, qui augmente l'effet de profondeur. Le sanctuaire est notablement surélevé; on y accède par trois escaliers, l'un au milieu de la nef (qui commence à la fin de la deuxième travée) et deux latéraux perpendi­culaires au premier. Aux côtés de l'escalier central descendent les deux escaliers qui mènent à la crypte. Le sanctuaire (et la crypte au-dessous) a une longueur d'environ 18 m; en y ajoutant l'escalier, on arrive à 23 m 40, chiffre égal à la moitié de la longueur interne totale de l'église (47 m). La crypte est divisée par des colonnettes en trois nefs de six travées chacune. Le décor sculpté à l'intérieur de la cathédrale se compose des chapiteaux des piliers, de ceux des colonnettes des tribunes, des bas-reliefs sur l'arrondi de l'abside et d'un remarquable bénitier. ...

(extrait de : Emilie romane ; Sergio Stocchi, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1984, pp. 83-97)

Coordonnées GPS : N44.8665 ; E10.057725


Cathédrale de Fidenza
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Cathédrale (partiellement) romane ; commune de Fidenza, province de Plaisance, région d'Emilie-Romagne, Italie

... La façade est de beaucoup la plus importante du monument, ... Il s'agit d'une façade incomplète : sont revêtues de pierre (un grès « pauvre », mais d'un beau jaune patiné) les deux tours latérales et la partie inférieure avec les trois portails, tandis que la partie supérieure avec son couronnement à deux rampants reste en brique brute, le matériau de construction le plus courant dans la vallée du Pô. Ces surfaces montrent à l'évidence les départs qui devaient servir à la continuation du revêtement.

La façade a des proportions harmonieuses, tendant au carré. Les deux tours l'encadrent et lui donnent de la vigueur, mais sans lui imprimer l'élan vertical typique de l'architecture du Nord; leur hauteur -pinacles exceptés - égale celle du sommet de la façade. Ce ne sont pas des clochers, mais des tours de montée donnant accès aux tribunes de l'intérieur. Le registre inférieur s'ordonne autour de trois portails, précédés de porches, avec une nette prédominance de celui du milieu qui est deux fois plus haut que les autres. Dans les panneaux intermédiaires sont insérés des éléments archi­tecturaux qui relient les portails et en font visiblement un tout : deux niches avec des statues à droite et à gauche du portail médian et deux demi-colonnes au-delà de celles-ci. Sur ce fond, s'étend le décor sculpté; mais le mot « décor » est impropre. La sculpture n'est pas un enjolivement décoratif de l'architecture; c'est au contraire l'architecture qui paraît préparée, comme un livre, à recevoir le message symbolique et didactique exprimé par les sculptures. Dans le cas de Fidenza, évidente est l'unité formelle qui relie tout le registre inférieur de la façade en fonction d'un discours unique que l'artiste a l'intention de développer. Une comparaison qui vient spontanément à l'esprit est celle que l'on peut faire avec la cathédrale languedocienne de Saint-Gilles, autre grand livre ouvert déployé sur trois pages; la similitude s'atténue considérablement cepen­dant si l'on imagine la façade de Fidenza complétée dans sa partie supérieure, comme il avait été prévu. La sculpture à la clef de la voussure cernant le porche médian constitue, comme indiqué plus haut, le centre géométrique, symbolique et structurel de la façade tout entière. Elle représente le Christ en gloire avec deux phylactères : Audi Israël mandata vitae dans la main droite, et Beati pauperes spiritu dans la main gauche. A partir de ce point de repère, nous pourrons remarquer que les bas-reliefs et les sculptures ne sont pas disposés au hasard : il y a une tendance marquée à placer à la droite du Christ tout ce qui est noble et riche (le roi, le pape, l'empereur, etc.) et à sa gauche ce qui est humble et pauvre (les pèlerins, les malades, etc.) - ou du moins hiérarchiquement inférieur à ce qui lui est symétrique. Observons ces sculptures de plus près en partant de la tour Nord (celle de gauche quand on regarde la façade), et en nous reportant ensuite symétriquement du côté opposé. Au-dessus de la corniche qui délimite le premier étage de la tour se déroulait une frise de bas-reliefs s'étendant en façade et sur le côté. Sur la tour Nord, celle-ci est interrompue, mutilée; nous n'y trouvons plus que deux plaques erratiques encastrées ultérieurement, entourées d'une frise de grecques qui en font deux tableaux séparés, à des hauteurs différentes. Sur l'un, le roi Hérode ordonnant le massacre des Innocents, sur l'autre les trois rois mages montant des chevaux au galop. Sur la tour opposée, nous trouvons par contre le bandeau complet des deux côtés avec une frise d'oves dans le bas, de grecques dans le haut. Les thèmes sont d'interprétation difficile. Ici font défaut les légendes qui - ponctuelles et diligentes - se retrouvent sur presque tous les autres bas-reliefs. Le bandeau sur la face principale représente successivement un lion qui dévore un agneau, une lionne qui attaque un cheval, deux hommes qui s'empoignent, deux hommes armés qui font route, un cavalier qui embrasse une dame à longue natte, un chasseur armé d'une arbalète, etc. Ce pourrait être une allégorie des péchés capitaux (la discorde, la luxure...) mais aussi bien une représentation des périls et des aventures du voyage, du pèlerinage. Le thème du pèlerinage revient en effet à plusieurs reprises sur la façade de notre monument ; et nous le retrouvons encore sur le reste de ce même bandeau, au flanc de la tour. On y voit un cortège de voyageurs, les uns à pied, les autres à cheval, se suivant à intervalles réguliers; c'est peut-être le pèlerinage d'un noble qui voyage avec des serviteurs et des hommes d'armes. Dans le cortège on distingue aussi un quadrupède accroupi sur la selle d'un cheval : c'est probablement un guépard de chasse, luxe raffiné apporté d'Orient.

Les porches des deux portails latéraux, en saillie légère, sont très rapprochés du flanc des tours et sont rigoureusement symétriques entre eux : fronton triangulaire surmonté d'un acrotère, bordure de l'arc décoré de figures zoomorphes, colonnettes appuyées sur des figures stylophores elles-mêmes posées sur un haut socle. Symétrie ne veut pas dire identité. D'un portail à l'autre sont volontairement différents toutes les figures et tous les motifs décoratifs, de même que sont différents bien des éléments symétriques sur les deux côtés du portail lui-même. Le sculpteur médiéval se fait un point d'honneur de ne jamais se répéter servilement. Plus la ressemblance est grande, plus obstinée est la recherche d'un élément même minime de diversification. Il suffît d'observer les deux têtes de taureau sur la face antérieure des consoles de l'avant-corps septentrional : les deux taureaux semblent identiques à première vue, et cependant ils diffèrent dans la touffe de poils, plate pour l'un, frisée pour l'autre, dans la rosace au milieu du front et enfin dans les naseaux qui sur l'un sont plissés, sur l'autre non. Le porche septentrional est surmonté d'un acrotère qui représente un personnage en toge non identifié mais probablement très important, peut-être un empereur : à ses côtés se trouvent en effet deux hérauts qui sonnent la trompe. Son symétrique sur le porche méridional offre par contre une figure de mendiant encapuchonné qui s'appuie sur un bâton et porte sur le dos un fagot de bois. Kaimondinus vilis, dit la légende. Il s'agit de saint Raymond de Piacenza, un saint mystique du dangereux courant contestataire, pauvre protestataire, mort en 1200 et très vénéré dans le pays. La comparaison entre le personnage en toge et l'humble Raimondino confirme la répartition qualitative de ce qui se trouve à la droite et de ce qui se trouve à la gauche du Christ. La présence de Raimondino est par ailleurs un précieux indice chronolo­gique qui appuie la date de 1202 considérée comme celle du commencement probable du chantier d'Antelami à Fidenza. Abaissant les regards de l'acrotère au fronton, nous trouvons sur le porche septentrional un bas-relief assez complexe, subdivisé en trois scènes que les légendes aident à interpréter. Au milieu, le pape Adrien II remet à l'archiprêtre de San Donnino la mitre et la crosse; ce sont les symboles de l'autorité épiscopale, mais il est improbable que Borgo ait eu dès ce moment-là le rang de diocèse. Il faut donc interpréter les symboles avec une certaine élasticité ; indices en tout cas d'une situation de prestige et d'autorité marqués pour l'église de Fidenza. A gauche est figuré sur son trône Charlemagne portant le sceptre et flanqué d'un écuyer qui lui tient l'épée. La tradition veut que Charlemagne ait élevé l'église de Borgo au rang d'« église impériale » : ce n'est sans doute qu'un reflet de cette tenace vocation gibeline qu'a toujours ressentie Borgo pour s'opposer à Parme. A droite enfin, une scène qui fait allusion à la réputation de thaumaturge attachée à l'église de Fidenza, grâce aux reliques du saint : un malade (egrotus, précise la légende) descend de cheval et entre à l'église pour demander la guérison. C'est un épisode que nous retrouverons au bandeau sculpté consacré à la vie du saint. Sur le porche méridional, la sculpture du fronton se limite à une figure d'évêque ou de prêtre mitre : probablement l'archiprêtre de Borgo San Donnino lui-même. Le bandeau décoratif bordant l'arc du porche septentrional (qui est tendu entre les deux têtes de taureau déjà signalées) est formé de douze losanges, six de chaque côté, avec des figures d'animaux réels ou imaginaires. Le même bandeau sur le porche méridional porte seize animaux, huit de chaque côté, renfermés chacun dans un élégant panneau encadré de feuillage; sur l'archivolte se tiennent, de dimensions plus grandes, deux griffons affrontés. Deux figures à demi cachées mais fort intéressantes (qui n'ont pas de correspondant sur l'autre portail) occupent l'intrados du même arc : l'une représente Hercule et le lion Némée, l'autre un griffon qui saisit un cerf, toutes deux reconnues comme des œuvres authentiques d'Antelami. Les figures stylophores qui supportent les colonnes des porches sont au Nord deux atlantes agenouillés, au Sud deux béliers. Ces quatre sculptures - étant donné leur position « à portée des enfants » - sont particulièrement abîmées. Les portails qui s'ouvrent sous les porches sont tous deux encadrés de faisceaux de colonnes et d'un arc à voussures multiples, et surmontés d'un tympan. Au tympan du portail Nord se trouve une Vierge à l'Enfant flanquée de deux groupes d'orants; à celui du portail Sud, la figure de saint Michel terrassant le dragon, entourée d'un large bandeau décoratif à rinceaux et feuillage. On voit à l'évidence l'intention du sculpteur de créer la diversité dans la symétrie et d'équilibrer les pleins et les vides : le bandeau décoratif compense la simplicité de la figure de saint Michel et n'a pas d'équivalent de l'autre côté où la représentation plus élaborée de la Vierge avec des orants remplit largement déjà le tympan. Si nous allons des extrémités vers le centre de la façade, nous rencontrons, après les portails latéraux, deux robustes demi-colonnes qui, coiffées de chapiteaux, se terminent à la ligne médiane de la façade. Il convient de mieux définir cette ligne médiane : elle se déploie à mi-hauteur du registre inférieur et le partage nettement en deux. A ce niveau s'alignent, mises en évidence par une légère frise d'oves, les impostes de la première division des tours et le bas des deux frontons des porches latéraux. Au centre, la ligne médiane sépare nettement la partie inférieure, dominée par les lignes verticales des colonnes et des faisceaux de colonnettes, de la partie supérieure où se trouvent les sculptures les plus élaborées : les chapiteaux des demi-colonnes, le long bandeau en bas relief avec l'histoire de saint Domnin, le très riche arc à voussures multiples du portail médian. Quant à la distribution en ombres et lumières des pleins et des vides, nous trouvons les arcs des portails latéraux au-dessous de cette ligne médiane, celui du portail central tout entier au-dessus. Dans le sens vertical, les demi-colonnes divisent la façade en trois parties presque égales et marquent à l'extérieur la division en trois nefs de l'intérieur. Pour cette raison, on peut juger vraisemblable l'hypothèse déjà mentionnée selon laquelle les demi-colonnes étaient desti­nées à se continuer sur toute la hauteur de la façade, comme à Piacenza. Demeurées tron­quées, elles furent surmontées de statues, dont une fait défaut (on ne sait pas si elle s'est perdue ou n'a jamais été exécutée); il reste la statue de gauche, représentant l'apôtre Simon avec un phylactère. L'inscription Simon Apostolus eundi Romam Sanctus demonstrat banc mam témoigne de l'importance de Fidenza comme étape sur la route des pèlerins de Rome. A droite, où la statue fait défaut, on remarque l'absence de pierre de parement au-dessus du chapiteau, indice (mais non preuve) que les demi-colonnes étaient destinées à continuer vers le haut. Le chapiteau situé au-dessous de ce vide est de type corinthien à feuillage. Son lymétrique, qui supporte la statue de Simon, est beaucoup plus élaboré et orné de figures bibliques : sur le devant, Daniel dans la fosse aux lions; sur le côté, Habacuc guidé par l'ange porte sa nourriture à Daniel.

Nous voici arrivés maintenant au portail central, partie la plus spectaculaire où se concentre l'ensemble iconographique le plus complexe. Plus haut de deux marches que les portails latéraux, il est inclus dans un porche en saillie prononcée. Il a comme deux ailes sous la forme de deux niches abritant des statues de prophètes, et surmontées de bas-reliefs dont les thèmes se continuent à l'intérieur du porche; il faut donc les considérer - visuellement aussi bien que thématiquement - comme partie intégrante du portail lui-même. Le porche repose sur de belles colonnes de marbre rouge de Vérone, précieuse note de couleur qui se détache avec éclat sur le jaune de la pierre locale. Deux lions stylophores superbes, disposés sur de hauts socles, sup­portent les colonnes; celui de droite tient serré dans ses griffes un veau, celui de gauche un serpent. Ce sont des sculptures très semblables à celles à l'intérieur de la cathédrale de Parme, exécutées avec une égale maîtrise, et on les considère comme des œuvres authentiques d'Antelami. Les chapiteaux des deux colonnes portent des figurations complexes : scènes de la vie de Marie sur le chapiteau de gauche, les quatre évangélistes sur celui de droite. Ces derniers sont représentés (trois sur les quatre) d'une façon inhabituelle dans l'art roman : mi-homme, mi-animal, mêlant dans une seule figuration l'évangéliste et son symbole. Les deux consoles qui reçoivent la voûte du porche prennent appui d'un côté sur les chapiteaux décrits plus haut, de l'autre sur des atlantes pris dans le mur, personnages barbus et drapés dans leur vêtement. Deux motifs intéressants sont sculptés sur le devant des consoles, au-dessus des chapiteaux : à droite un diable cornu qui tourmente le prophète Job (allusion aux épreuves supportées par lui avec patience), à gauche le père Abraham. Trois petites têtes humaines sur les genoux du patriarche, dans les plis du manteau, représentent la progéniture nombreuse issue du « sein d'Abraham ». Les consoles ont des faces lisses, bordées dans le bas d'une moulure, dans le haut d'une corniche ; sauf sur le devant, elles ne présentent donc pas de sculpture; cependant leur hauteur détermine celle du bandeau en bas relief au-dessus de la ligne médiane, qui apparaît comme une suite géométrique de la console elle-même à l'extérieur et à l'intérieur du porche. Sur ce bandeau se déploie l'histoire illustrée la plus importante de la cathédrale : la série des récits concernant saint Domnin. Ce sont des sculp­tures pleines de vie, de mouvement et de force de persuasion, œuvres d'une main habile. On les considère comme œuvre d'un excellent élève d'Antelami (nous pourrions l'appeler « maître de saint Domnin »), où peut-être Antelami lui-même est intervenu. Elles sont réparties sur cinq panneaux, deux à l'extérieur du porche et trois à l'intérieur, avec les parenthèses des faces « muettes » des consoles. Analysons-les en détail, à partir de l'extrémité de gauche, après le chapiteau de Daniel entre les lions. Le premier panneau contient deux scènes distinctes. Dans l'une, Domnin couronne l'empereur Maximien, nous faisant ainsi savoir que le saint avait le rang de « cubiculaire » ou gardien de la couronne. L'autre semble une reprise de la précédente, avec les mêmes personnages; mais la légende vient à notre aide en nous expliquant que Domnin licentia accepta, Deo servire decrevit, c'est-à-dire qu'il décida de se mettre au service de Dieu avec la permission de l'empereur. Sur l'ébrasement de gauche du portail, au-dessus du faisceau de colonnettes et de piliers (huit en tout, sans chapiteaux) est disposé le second panneau qui représente la fuite de Domnin. La scène commence par une nouvelle réplique de Maximien, dans une attitude courroucée (la main qui se tient la barbe, signe de colère) et se poursuit avec le motif des fugitifs, Domnin et d'autres chrétiens fidèles à sa personne, qui s'éloignent derrière une colline. Le troisième panneau, qui occupe toute la longueur du linteau, est le plus vigoureux et le plus mouvementé, séquence cinématographique exprimée dans un langage concis et réduit à l'essentiel. Des tours d'une ville sortent deux cavaliers au galop, l'épée dégainée, qui poursuivent Domnin, lui aussi à cheval; le saint brandit une croix et un nimbe couronne sa tête. Après le passage de Piacenza (une autre tour où se montrent divers petits personnages avec l'inscription civitas Placentia) réapparaissent les poursuivants. Domnin est pris, et la scène suivante illustre son martyre sur les rives du Stirone. La figure centrale de la scène est le bourreau, vêtu d'une cotte de mailles, l'épée haute prête à tomber sur le cou de la victime; placée en diagonale par rapport aux épées des personnages précédents, cette lame dégainée est la note vibrante qui anime toute la composition, le cœur de toute l'histoire. Vient ensuite le martyr décapité, la tête coupée reposant sur un socle, puis à nouveau le martyr avec la tête dans ses bras qui se prépare à traverser le torrent Stirone (Sisterionis, précise la légende); au-dessus, deux anges en plein vol emportent la tête (c'est-à-dire l'âme) de Domnin au ciel. Avec le quatrième panneau (ébrasement de droite du portail, au-dessus des colonnettes qui ont ici de petits chapiteaux à feuillage) commencent les scènes des miracles du saint. Le corps de Domnin est étendu dans le sépulcre, sa tête entre ses mains. A l'église construite plus tard en cet endroit un malade se rend pour demander la guérison : c'est le même "aegrotus" déjà rencontré sur un bas-relief de la tour septentrionale, qui est arrivé à cheval et qui entre en se courbant avec peine dans l'église représentée aussi petite qu'une niche. En sortant guéri, le miraculé ne retrouve plus le cheval, volé par un brigand; mais alors intervient encore le saint thaumaturge, et le cheval échappant au brigand revient à son maître. Toute l'histoire est synthétisée en trois figures sur un fond d'arbres : Domnin gisant, Yaegrotus qui s'accroupit pour entrer dans l'église, le brigand qui retient le cheval, une main sur le museau, et s'accroche de l'autre à un arbre. Les légendes complètent le récit en expliquant : hic jacet corpus martyris, hic sanatur aegro-tus, hic restituitur equus. Le troisième et dernier panneau, à l'extérieur du porche, représente un autre miracle, bien plus tardif, et non dépourvu de vraisemblance historique : l'écroulement d'un pont sous le poids d'une grande foule, dont toutes les victimes sortirent indemnes, y compris une femme enceinte. C'est le pont sur le Stirone qui se trouvait devant l'église de San Donnino ...; l'écroulement se produisit à l'occasion de la redécouverte des reliques du saint dans la crypte de l'église, bien des siècles après le martyre, et de leur ostensión aux fidèles. Ce fut précisément le grand concours de peuple qui surchargea le pont et le fit céder. La scène est représentée de façon beaucoup plus élaborée que les précédentes, avec de nombreux personnages (dont la femme enceinte au centre) réunis en une seule composition, une tentative de perspective et une représentation soignée des détails, particuliè­rement dans les poutres du pont. Un large bandeau décoratif à rinceaux avec des fleurs, des feuillages et des grappes de raisin, élégamment dessiné et finement exécuté, typi­que du style d'Antelami, surmonte à l'extérieur du porche les bas-reliefs racontant la vie de saint Domnin. Au-dessus de ce bandeau se trouvent encore, des deux côtés, d'autres bas-reliefs figuratifs; mais leur disposition fortuite et désordonnée montre clairement que ce sont des fragments disparates provenant de la tour septentrionale (où le bandeau sculpté est mutilé, on l'a vu) ou bien d'ailleurs. Ils méritent quand même l'examen, car tous appartiennent à la même « génération » que les autres bas-reliefs, même s'ils ne sont pas tous de la main du « maître de saint Domnin ». A gauche, nous trouvons une Adoration des mages à laquelle fait suite immédiatement le songe de Joseph; à côté nous trouvons le curieux détail de deux corbeaux buvant dans un calice ; pas très facile à expliquer, c'est peut-être un simple divertissement du sculpteur. Ce panneau, par son thème, prend la suite des trois mages à cheval ; il semble donc naturel de supposer qu'il provient de la tour septentrionale. A droite le prophète Élie sur le char qui l'emporte au ciel ; au sol Elisée prie à genoux. La représentation du mouvement ascendant est intéressante : il est rendu par un plan incliné (comme l'aile d'un avion au décollage) sous les sabots des chevaux. Le vent de la course est marqué par la barbe du prophète rebroussée en arrière et par les rubans de sa coiffure qui voltigent. Un troisième panneau disparate se trouve dans le haut, du côté droit : c'est une composition carrée, encadrée d'une frise de grecques, qui représente le prophète Enoch au paradis. Revenons au niveau inférieur, pour examiner les deux « ailes » du portail, à savoir les niches des prophètes et les bas-reliefs qui les entourent. Les prophètes sont David à gauche (recon-naissable à sa couronne) et Ézéchiel à droite : deux superbes statues en ronde-bosse, la tête tournée vers la porte comme s'ils invitaient à entrer, portant deux phylactères qui tous deux développent le thème de la Porta Domini. Ce sont là les œuvres que l'on peut le plus sûrement considérer comme dues à Antelami lui-même. On regarde également comme d'authentiques sculptures du maître les quatre panneaux très élégants avec des animaux fantastiques à double forme, un de chaque côté des deux niches : griffon, capricorne, harpie, centaure. Tous les quatre sont formés des corps de deux animaux, allusion symbolique - dans l'esprit du Moyen Age - à la lutte entre le bien et le mal. Même le cul-de-four des deux niches est décoré de sculptures, au-dessus de la tête des prophètes : une Présentation de Jésus au temple au-dessus de David ; et au-dessus d'Ézéchiel une Vierge à l'Enfant entourée d'un arbre feuillu. Pour finir, les bas-reliefs à côté des niches (au-dessus des quatre panneaux d'Antelami avec des animaux fantastiques) représentent l'ultime invitation à pénétrer dans l'église. Deux anges, un de chaque côté, en indiquent la porte, et derrière eux viennent deux familles différentes de fidèles : pèlerins riches et élégamment vêtus d'un côté ; pèlerins pauvres de l'autre, avec des attributs de paysans. Ici encore se confirme la répartition symbolique déjà signalée : les puissants à la droite du Christ, les humbles à sa gauche. Le Christ-Juge siège sur un trône à l'ar­chivolte du porche (un peu dans l'ombre, à cause du toit protecteur qui le surmonte). Vers lui montent deux files de petits personnages sculptés sur la bordure de l'arc : du côté gauche ce sont six prophètes en commençant par Moïse, qui tiennent en main autant de phylactères avec les commandements (Ancien Testament); du côté droit, se trouvent six apôtres, commençant par Pierre, avec des phylactères se rapportant aux Béatitudes (Nouveau Testament). Les prophètes portent une coiffure conique, les apôtres le nimbe. Les six figures de chaque côté forment en tout le nombre sacré de douze, mais elles n'épuisent pas tous les prophètes, ni tous les commandements, ni les apôtres. Il y a là une invitation à compléter les deux cortèges le long des deux impostes de la voûte du porche; mais nous n'y retrouvons que deux prophètes à gauche et un apôtre à droite. Dernier détail avant de quitter la façade : encastré dans la souche de la tour méridionale, nous trouvons un panneau isolé très abîmé, presque indéchiffrable. Il devait représenter le vol d'Alexandre le Grand avec deux chevaux ailés, légende médiévale d'origine obscure, qui reprend le thème de l'ascension au ciel déjà présenté par le bas-relief du prophète Élie. Plus bas est gravée l'ancienne mesure locale dite trabucco égale à 3 m 27. La façade, d'après les chroniques mesurait huit trabuccbi, soit 26 m 16, chiffre qui correspond avec une approximation honnête à la dimension réelle.

Des deux faces latérales, la face Sud donne sur la rue, tandis que la face Nord - moins intéressante - donne sur la cour de l'évêché. La face Sud est scandée de robustes contreforts, correspondant aux six travées des nefs latérales à l'intérieur. Toute la construction (murs gouttereaux, chapelles, clocher) est en brique : le parement en pierre est en effet réservé aux parties plus importantes, façade et abside. Aux quatre premières travées ont été ajoutées des chapelles d'époque postérieure parmi lesquelles se distingue particulièrement la quatrième, de la fin du XVe siècle, décorée en brique, ... Dans les deux dernières travées, on remarque les arcs brisés aveugles réalisés au cours de la dernière campagne de construction, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Dans la partie haute, au-dessus des chapelles et des arcades aveugles, se déploie une galerie d'arcades en plein cintre à colonnettes, cou­ronnée sous l'égout du toit d'une frise d'arceaux entrecroisés. La même frise est reprise plus haut, terminant le mur extérieur de la nef centrale; cette seconde frise est cependant enrichie d'un bandeau en dents d'engrenage fait de briques mises en biais, procédé stylistique typiquement roman. Une observation minutieuse des chapiteaux des colonnettes a révélé un crescendo marqué dans la finesse de la facture lorsqu'on va de la façade vers l'abside, détail qui semble indiquer une évolution parallèle dans le temps : plusieurs décennies séparent les premiers chapiteaux des derniers. On trouve parmi ceux-ci des chapi­teaux figuratifs pleins de vie : la sirène à double queue, un loup encapuchonné comme un moine, etc. La cathédrale, ..., n'a pas de transept. Le décrochement entre la face latérale et l'abside s'opère donc par l'intermédiaire du clocher, inséré entre la dernière travée de la nef et le mur extérieur du sanctuaire. Le clocher est du XVIe siècle, on l'a dit, mais d'après certaines observations archi­tecturales, il semble avoir été construit à la place d'une tour romane préexistante. Le chevet révèle clairement l'implantation particulière de la cathédrale de Fidenza, .... Ce qui est singulier, c'est la profondeur du sanctuaire (dictée par les dimensions de la crypte, exceptionnellement longue), renforcée par l'absence du transept et par les terminaisons à mur droit des nefs latérales. Vue de l'extérieur, la nef centrale qui se prolonge dans le sanctuaire semble présenter un élan vertical anormal par rapport aux modèles romans; et l'abside semi-cylindrique, isolée, paraît tout aussi haute et élancée. Là où l'œil attendrait une autre abside semi-cylindrique pour terminer la nef latérale Sud par une surface courbe, nous trouvons à la place le prisme du clocher, avec ses arêtes nettes, et en plus son élan vertical. Cette impression de verticalité gothique, due à la solution architecturale adoptée, nous incite à dater l'abside des tout derniers temps de la période de construction de la cathédrale, c'est-à-dire dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Cette impression se trouve confirmée par l'examen du parement de marbre qui manifeste - surtout dans la partie haute et dans le couronnement -un goût très marqué pour le décor. Voyons cela de plus près. Le demi-cylindre de l'abside présente à la base une plinthe très importante en hauteur comme en épaisseur, d'où s'élèvent quatre colonnes qui - recevant trois arcs aveugles en plein cintre - divisent l'abside en trois panneaux jusqu'à plus de la moitié de sa hauteur. Dans chacun de ces trois panneaux s'ouvre une fenêtre simple haute et étroite, encadrée de moulures multiples et flanquée de deux fines colonnettes. Au-dessus des trois arcs se poursuit la galerie d'arcades en plein cintre que nous avons déjà trouvée le long de la face Sud. Ici au chevet les arcades acquièrent une plus grande valeur tant par l'emploi de la pierre au lieu de la brique que par la présence d'éléments décoratifs supplémentaires, comme les rosaces ou autres frises dans les écoinçons des arcs (dont on peut soupçonner cependant que ce sont des adjonctions postérieures). Le bandeau terminal se révèle particulièrement élaboré : une frise d'arceaux entrelacés soutenus par des modillons à petites têtes d'animaux, un ruban en dents d'engrenage, et enfin un large cordon tressé qui fait le raccord avec la corniche de l'égout du toit. C'est peut-être ce dernier trait stylistique qui révèle le plus nettement l'arrivée de la sensibilité gothique au cours de la dernière phase de la construction. La sculpture d'Antelami nous réserve encore - après l'ensemble organisé de la façade -quelques épisodes savoureux, répartis de façon quasi clandestine sur l'abside. Il s'agit de quatre panneaux isolés provenant d'un ensemble dispersé des travaux des mois, et encastrés au hasard dans le mur : un au flanc du sanctuaire, à l'angle qu'il forme avec le clocher; un autre dans le contrefort qui divise le côté de l'abside, deux de part et d'autre de la fenêtre centrale de l'abside. A ceux-ci il faut ajouter, pour le plaisir d'être complet, un segment de frise encastré dans le bas du mur terminal de la nef latérale Sud, très abîmé et presque indéchiffrable, et un relief sur la plinthe de l'abside, dans la partie gauche, représentant un chien qui poursuit un cerf. Il faut accorder une attention particulière aux panneaux des travaux des mois, qui représentent une contribution supplémentaire à ce thème si cher à l'art roman : une page de plus, fragmentaire il est vrai, à comparer aux autres. Le premier panneau (selon l'ordre dans lequel nous les avons mentionnés) représente le mois de mai, sous la forme d'un cavalier avec lance et bouclier, surmonté du signe zodiacal des gémeaux. Ensuite, sur le contrefort, le mois d'août est représenté par une vierge (signe du zodiaque) en train de cueillir des fruits sur un arbre. Puis, à gauche de la fenêtre, mars et avril réunis sur un même panneau, sans signes du zodiaque : mars est un homme barbu sonnant de la trompe, avril une jeune fille avec un bouquet de fleurs. De l'autre côté de la fenêtre, janvier est peut-être la représentation la plus curieuse et la plus savoureuse. C'est un homme à deux têtes (Januarius, dérivé de Janus bifront) et trois jambes (l'une sans pied, repliée) qui se réchauffe au feu sur lequel bout une marmite; celle-ci pend au bout d'une chaîne à gros maillons attachée dans le haut à un bâton ; à celui-ci sont suspendues également trois saucisses mises à sécher. Où pouvaient se trouver à l'origine ces travaux des mois, il est difficile de le dire. L'hypothèse la plus acceptable est celle d'un portail de l'école d'Antelami sur la face Sud, démonté pour faire place à la construction des chapelles. ...

... L'intérieur de la cathédrale de Fidenza - à trois nefs, sans transept -se révèle sobre et sévère ; bien restauré (sentant peut-être un peu trop le neuf dans les maçonneries, les enduits et les marbres du pavement) et heureusement indemne de baroquisation, baldaquins et autres oripeaux. Le jeu de couleurs provient du rouge de la brique apparente, largement contrebalancé par le gris des piliers, des arcs, des colonnes et de l'enduit de la voûte. La nef centrale est divisée en trois travées rectangulaires par de forts piliers composés qui sur leur face interne se prolongent verticalement vers le haut le long des murs jusqu'à la retombée des croisées d'ogives. Trois paires de piliers secondaires - qui montent seulement jusqu'à l'imposte des grandes arcades - divisent en deux l'unité de base et doublent le nombre des travées dans les nefs latérales. Il y a donc six travées carrées par côté, prolongées vers l'extérieur par autant de chapelles qui, sur le flanc Nord, sont de faible profondeur, tandis qu'au Sud elles ont été agrandies (pour les quatre premières travées) par des remaniements des XVe et XVIe siècles. Les nefs latérales sont couvertes de voûtes d'arêtes sans nervures, séparées entre elles par des arcs transversaux en brique. Au-dessus, des deux côtés, se déploient les tribunes, couvertes en charpente apparente, qui donnent sur la nef par six baies quadruples à colonnettes. Prises sur l'épaisseur du mur sont dessinées six arcades en brique, correspondant aux grandes arcades du dessous, et d'égale ouverture; c'est dans chacune de ces arcades que s'insèrent les baies quadruples. Au-dessus des tribunes, les murs ont encore un troisième registre, divisé en trois par les piliers principaux; c'est là que sont situées les fenêtres (simples, six de chaque côté) qui éclairent la nef. Cette répartition de l'espace, et en particulier le trait des tribunes aux baies composées encadrées d'arcades épousant le rythme des grandes arcades, apparente étroitement la cathédrale de Fidenza à celle de Modène. ... Diverses caractéristiques architecturales, beau­coup plus tardives, se rencontrent dans le sanctuaire et en particulier dans le cul-de-four de l'abside; mais la différence la plus évidente vient des voûtes en croisées d'ogives de la nef centrale qui ont probablement remplacé une couverture en bois à charpente apparente dans l'église de 1106 et furent réalisées dans la seconde moitié bien entamée du XIIIe siècle. La largeur de la nef centrale va nettement en diminuant de l'entrée au sanctuaire, passant de 10m50 à 8m 90: c'est un artifice de perspective voulu, qui augmente l'effet de profondeur. Le sanctuaire est notablement surélevé; on y accède par trois escaliers, l'un au milieu de la nef (qui commence à la fin de la deuxième travée) et deux latéraux perpendi­culaires au premier. Aux côtés de l'escalier central descendent les deux escaliers qui mènent à la crypte. Le sanctuaire (et la crypte au-dessous) a une longueur d'environ 18 m; en y ajoutant l'escalier, on arrive à 23 m 40, chiffre égal à la moitié de la longueur interne totale de l'église (47 m). La crypte est divisée par des colonnettes en trois nefs de six travées chacune. Le décor sculpté à l'intérieur de la cathédrale se compose des chapiteaux des piliers, de ceux des colonnettes des tribunes, des bas-reliefs sur l'arrondi de l'abside et d'un remarquable bénitier. ...

(extrait de : Emilie romane ; Sergio Stocchi, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1984, pp. 83-97)

Coordonnées GPS : N44.8665 ; E10.057725


Cathédrale de Fidenza
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Cathédrale (partiellement) romane ; commune de Fidenza, province de Plaisance, région d'Emilie-Romagne, Italie

... La façade est de beaucoup la plus importante du monument, ... Il s'agit d'une façade incomplète : sont revêtues de pierre (un grès « pauvre », mais d'un beau jaune patiné) les deux tours latérales et la partie inférieure avec les trois portails, tandis que la partie supérieure avec son couronnement à deux rampants reste en brique brute, le matériau de construction le plus courant dans la vallée du Pô. Ces surfaces montrent à l'évidence les départs qui devaient servir à la continuation du revêtement.

La façade a des proportions harmonieuses, tendant au carré. Les deux tours l'encadrent et lui donnent de la vigueur, mais sans lui imprimer l'élan vertical typique de l'architecture du Nord; leur hauteur -pinacles exceptés - égale celle du sommet de la façade. Ce ne sont pas des clochers, mais des tours de montée donnant accès aux tribunes de l'intérieur. Le registre inférieur s'ordonne autour de trois portails, précédés de porches, avec une nette prédominance de celui du milieu qui est deux fois plus haut que les autres. Dans les panneaux intermédiaires sont insérés des éléments archi­tecturaux qui relient les portails et en font visiblement un tout : deux niches avec des statues à droite et à gauche du portail médian et deux demi-colonnes au-delà de celles-ci. Sur ce fond, s'étend le décor sculpté; mais le mot « décor » est impropre. La sculpture n'est pas un enjolivement décoratif de l'architecture; c'est au contraire l'architecture qui paraît préparée, comme un livre, à recevoir le message symbolique et didactique exprimé par les sculptures. Dans le cas de Fidenza, évidente est l'unité formelle qui relie tout le registre inférieur de la façade en fonction d'un discours unique que l'artiste a l'intention de développer. Une comparaison qui vient spontanément à l'esprit est celle que l'on peut faire avec la cathédrale languedocienne de Saint-Gilles, autre grand livre ouvert déployé sur trois pages; la similitude s'atténue considérablement cepen­dant si l'on imagine la façade de Fidenza complétée dans sa partie supérieure, comme il avait été prévu. La sculpture à la clef de la voussure cernant le porche médian constitue, comme indiqué plus haut, le centre géométrique, symbolique et structurel de la façade tout entière. Elle représente le Christ en gloire avec deux phylactères : Audi Israël mandata vitae dans la main droite, et Beati pauperes spiritu dans la main gauche. A partir de ce point de repère, nous pourrons remarquer que les bas-reliefs et les sculptures ne sont pas disposés au hasard : il y a une tendance marquée à placer à la droite du Christ tout ce qui est noble et riche (le roi, le pape, l'empereur, etc.) et à sa gauche ce qui est humble et pauvre (les pèlerins, les malades, etc.) - ou du moins hiérarchiquement inférieur à ce qui lui est symétrique. Observons ces sculptures de plus près en partant de la tour Nord (celle de gauche quand on regarde la façade), et en nous reportant ensuite symétriquement du côté opposé. Au-dessus de la corniche qui délimite le premier étage de la tour se déroulait une frise de bas-reliefs s'étendant en façade et sur le côté. Sur la tour Nord, celle-ci est interrompue, mutilée; nous n'y trouvons plus que deux plaques erratiques encastrées ultérieurement, entourées d'une frise de grecques qui en font deux tableaux séparés, à des hauteurs différentes. Sur l'un, le roi Hérode ordonnant le massacre des Innocents, sur l'autre les trois rois mages montant des chevaux au galop. Sur la tour opposée, nous trouvons par contre le bandeau complet des deux côtés avec une frise d'oves dans le bas, de grecques dans le haut. Les thèmes sont d'interprétation difficile. Ici font défaut les légendes qui - ponctuelles et diligentes - se retrouvent sur presque tous les autres bas-reliefs. Le bandeau sur la face principale représente successivement un lion qui dévore un agneau, une lionne qui attaque un cheval, deux hommes qui s'empoignent, deux hommes armés qui font route, un cavalier qui embrasse une dame à longue natte, un chasseur armé d'une arbalète, etc. Ce pourrait être une allégorie des péchés capitaux (la discorde, la luxure...) mais aussi bien une représentation des périls et des aventures du voyage, du pèlerinage. Le thème du pèlerinage revient en effet à plusieurs reprises sur la façade de notre monument ; et nous le retrouvons encore sur le reste de ce même bandeau, au flanc de la tour. On y voit un cortège de voyageurs, les uns à pied, les autres à cheval, se suivant à intervalles réguliers; c'est peut-être le pèlerinage d'un noble qui voyage avec des serviteurs et des hommes d'armes. Dans le cortège on distingue aussi un quadrupède accroupi sur la selle d'un cheval : c'est probablement un guépard de chasse, luxe raffiné apporté d'Orient.

Les porches des deux portails latéraux, en saillie légère, sont très rapprochés du flanc des tours et sont rigoureusement symétriques entre eux : fronton triangulaire surmonté d'un acrotère, bordure de l'arc décoré de figures zoomorphes, colonnettes appuyées sur des figures stylophores elles-mêmes posées sur un haut socle. Symétrie ne veut pas dire identité. D'un portail à l'autre sont volontairement différents toutes les figures et tous les motifs décoratifs, de même que sont différents bien des éléments symétriques sur les deux côtés du portail lui-même. Le sculpteur médiéval se fait un point d'honneur de ne jamais se répéter servilement. Plus la ressemblance est grande, plus obstinée est la recherche d'un élément même minime de diversification. Il suffît d'observer les deux têtes de taureau sur la face antérieure des consoles de l'avant-corps septentrional : les deux taureaux semblent identiques à première vue, et cependant ils diffèrent dans la touffe de poils, plate pour l'un, frisée pour l'autre, dans la rosace au milieu du front et enfin dans les naseaux qui sur l'un sont plissés, sur l'autre non. Le porche septentrional est surmonté d'un acrotère qui représente un personnage en toge non identifié mais probablement très important, peut-être un empereur : à ses côtés se trouvent en effet deux hérauts qui sonnent la trompe. Son symétrique sur le porche méridional offre par contre une figure de mendiant encapuchonné qui s'appuie sur un bâton et porte sur le dos un fagot de bois. Kaimondinus vilis, dit la légende. Il s'agit de saint Raymond de Piacenza, un saint mystique du dangereux courant contestataire, pauvre protestataire, mort en 1200 et très vénéré dans le pays. La comparaison entre le personnage en toge et l'humble Raimondino confirme la répartition qualitative de ce qui se trouve à la droite et de ce qui se trouve à la gauche du Christ. La présence de Raimondino est par ailleurs un précieux indice chronolo­gique qui appuie la date de 1202 considérée comme celle du commencement probable du chantier d'Antelami à Fidenza. Abaissant les regards de l'acrotère au fronton, nous trouvons sur le porche septentrional un bas-relief assez complexe, subdivisé en trois scènes que les légendes aident à interpréter. Au milieu, le pape Adrien II remet à l'archiprêtre de San Donnino la mitre et la crosse; ce sont les symboles de l'autorité épiscopale, mais il est improbable que Borgo ait eu dès ce moment-là le rang de diocèse. Il faut donc interpréter les symboles avec une certaine élasticité ; indices en tout cas d'une situation de prestige et d'autorité marqués pour l'église de Fidenza. A gauche est figuré sur son trône Charlemagne portant le sceptre et flanqué d'un écuyer qui lui tient l'épée. La tradition veut que Charlemagne ait élevé l'église de Borgo au rang d'« église impériale » : ce n'est sans doute qu'un reflet de cette tenace vocation gibeline qu'a toujours ressentie Borgo pour s'opposer à Parme. A droite enfin, une scène qui fait allusion à la réputation de thaumaturge attachée à l'église de Fidenza, grâce aux reliques du saint : un malade (egrotus, précise la légende) descend de cheval et entre à l'église pour demander la guérison. C'est un épisode que nous retrouverons au bandeau sculpté consacré à la vie du saint. Sur le porche méridional, la sculpture du fronton se limite à une figure d'évêque ou de prêtre mitre : probablement l'archiprêtre de Borgo San Donnino lui-même. Le bandeau décoratif bordant l'arc du porche septentrional (qui est tendu entre les deux têtes de taureau déjà signalées) est formé de douze losanges, six de chaque côté, avec des figures d'animaux réels ou imaginaires. Le même bandeau sur le porche méridional porte seize animaux, huit de chaque côté, renfermés chacun dans un élégant panneau encadré de feuillage; sur l'archivolte se tiennent, de dimensions plus grandes, deux griffons affrontés. Deux figures à demi cachées mais fort intéressantes (qui n'ont pas de correspondant sur l'autre portail) occupent l'intrados du même arc : l'une représente Hercule et le lion Némée, l'autre un griffon qui saisit un cerf, toutes deux reconnues comme des œuvres authentiques d'Antelami. Les figures stylophores qui supportent les colonnes des porches sont au Nord deux atlantes agenouillés, au Sud deux béliers. Ces quatre sculptures - étant donné leur position « à portée des enfants » - sont particulièrement abîmées. Les portails qui s'ouvrent sous les porches sont tous deux encadrés de faisceaux de colonnes et d'un arc à voussures multiples, et surmontés d'un tympan. Au tympan du portail Nord se trouve une Vierge à l'Enfant flanquée de deux groupes d'orants; à celui du portail Sud, la figure de saint Michel terrassant le dragon, entourée d'un large bandeau décoratif à rinceaux et feuillage. On voit à l'évidence l'intention du sculpteur de créer la diversité dans la symétrie et d'équilibrer les pleins et les vides : le bandeau décoratif compense la simplicité de la figure de saint Michel et n'a pas d'équivalent de l'autre côté où la représentation plus élaborée de la Vierge avec des orants remplit largement déjà le tympan. Si nous allons des extrémités vers le centre de la façade, nous rencontrons, après les portails latéraux, deux robustes demi-colonnes qui, coiffées de chapiteaux, se terminent à la ligne médiane de la façade. Il convient de mieux définir cette ligne médiane : elle se déploie à mi-hauteur du registre inférieur et le partage nettement en deux. A ce niveau s'alignent, mises en évidence par une légère frise d'oves, les impostes de la première division des tours et le bas des deux frontons des porches latéraux. Au centre, la ligne médiane sépare nettement la partie inférieure, dominée par les lignes verticales des colonnes et des faisceaux de colonnettes, de la partie supérieure où se trouvent les sculptures les plus élaborées : les chapiteaux des demi-colonnes, le long bandeau en bas relief avec l'histoire de saint Domnin, le très riche arc à voussures multiples du portail médian. Quant à la distribution en ombres et lumières des pleins et des vides, nous trouvons les arcs des portails latéraux au-dessous de cette ligne médiane, celui du portail central tout entier au-dessus. Dans le sens vertical, les demi-colonnes divisent la façade en trois parties presque égales et marquent à l'extérieur la division en trois nefs de l'intérieur. Pour cette raison, on peut juger vraisemblable l'hypothèse déjà mentionnée selon laquelle les demi-colonnes étaient desti­nées à se continuer sur toute la hauteur de la façade, comme à Piacenza. Demeurées tron­quées, elles furent surmontées de statues, dont une fait défaut (on ne sait pas si elle s'est perdue ou n'a jamais été exécutée); il reste la statue de gauche, représentant l'apôtre Simon avec un phylactère. L'inscription Simon Apostolus eundi Romam Sanctus demonstrat banc mam témoigne de l'importance de Fidenza comme étape sur la route des pèlerins de Rome. A droite, où la statue fait défaut, on remarque l'absence de pierre de parement au-dessus du chapiteau, indice (mais non preuve) que les demi-colonnes étaient destinées à continuer vers le haut. Le chapiteau situé au-dessous de ce vide est de type corinthien à feuillage. Son lymétrique, qui supporte la statue de Simon, est beaucoup plus élaboré et orné de figures bibliques : sur le devant, Daniel dans la fosse aux lions; sur le côté, Habacuc guidé par l'ange porte sa nourriture à Daniel.

Nous voici arrivés maintenant au portail central, partie la plus spectaculaire où se concentre l'ensemble iconographique le plus complexe. Plus haut de deux marches que les portails latéraux, il est inclus dans un porche en saillie prononcée. Il a comme deux ailes sous la forme de deux niches abritant des statues de prophètes, et surmontées de bas-reliefs dont les thèmes se continuent à l'intérieur du porche; il faut donc les considérer - visuellement aussi bien que thématiquement - comme partie intégrante du portail lui-même. Le porche repose sur de belles colonnes de marbre rouge de Vérone, précieuse note de couleur qui se détache avec éclat sur le jaune de la pierre locale. Deux lions stylophores superbes, disposés sur de hauts socles, sup­portent les colonnes; celui de droite tient serré dans ses griffes un veau, celui de gauche un serpent. Ce sont des sculptures très semblables à celles à l'intérieur de la cathédrale de Parme, exécutées avec une égale maîtrise, et on les considère comme des œuvres authentiques d'Antelami. Les chapiteaux des deux colonnes portent des figurations complexes : scènes de la vie de Marie sur le chapiteau de gauche, les quatre évangélistes sur celui de droite. Ces derniers sont représentés (trois sur les quatre) d'une façon inhabituelle dans l'art roman : mi-homme, mi-animal, mêlant dans une seule figuration l'évangéliste et son symbole. Les deux consoles qui reçoivent la voûte du porche prennent appui d'un côté sur les chapiteaux décrits plus haut, de l'autre sur des atlantes pris dans le mur, personnages barbus et drapés dans leur vêtement. Deux motifs intéressants sont sculptés sur le devant des consoles, au-dessus des chapiteaux : à droite un diable cornu qui tourmente le prophète Job (allusion aux épreuves supportées par lui avec patience), à gauche le père Abraham. Trois petites têtes humaines sur les genoux du patriarche, dans les plis du manteau, représentent la progéniture nombreuse issue du « sein d'Abraham ». Les consoles ont des faces lisses, bordées dans le bas d'une moulure, dans le haut d'une corniche ; sauf sur le devant, elles ne présentent donc pas de sculpture; cependant leur hauteur détermine celle du bandeau en bas relief au-dessus de la ligne médiane, qui apparaît comme une suite géométrique de la console elle-même à l'extérieur et à l'intérieur du porche. Sur ce bandeau se déploie l'histoire illustrée la plus importante de la cathédrale : la série des récits concernant saint Domnin. Ce sont des sculp­tures pleines de vie, de mouvement et de force de persuasion, œuvres d'une main habile. On les considère comme œuvre d'un excellent élève d'Antelami (nous pourrions l'appeler « maître de saint Domnin »), où peut-être Antelami lui-même est intervenu. Elles sont réparties sur cinq panneaux, deux à l'extérieur du porche et trois à l'intérieur, avec les parenthèses des faces « muettes » des consoles. Analysons-les en détail, à partir de l'extrémité de gauche, après le chapiteau de Daniel entre les lions. Le premier panneau contient deux scènes distinctes. Dans l'une, Domnin couronne l'empereur Maximien, nous faisant ainsi savoir que le saint avait le rang de « cubiculaire » ou gardien de la couronne. L'autre semble une reprise de la précédente, avec les mêmes personnages; mais la légende vient à notre aide en nous expliquant que Domnin licentia accepta, Deo servire decrevit, c'est-à-dire qu'il décida de se mettre au service de Dieu avec la permission de l'empereur. Sur l'ébrasement de gauche du portail, au-dessus du faisceau de colonnettes et de piliers (huit en tout, sans chapiteaux) est disposé le second panneau qui représente la fuite de Domnin. La scène commence par une nouvelle réplique de Maximien, dans une attitude courroucée (la main qui se tient la barbe, signe de colère) et se poursuit avec le motif des fugitifs, Domnin et d'autres chrétiens fidèles à sa personne, qui s'éloignent derrière une colline. Le troisième panneau, qui occupe toute la longueur du linteau, est le plus vigoureux et le plus mouvementé, séquence cinématographique exprimée dans un langage concis et réduit à l'essentiel. Des tours d'une ville sortent deux cavaliers au galop, l'épée dégainée, qui poursuivent Domnin, lui aussi à cheval; le saint brandit une croix et un nimbe couronne sa tête. Après le passage de Piacenza (une autre tour où se montrent divers petits personnages avec l'inscription civitas Placentia) réapparaissent les poursuivants. Domnin est pris, et la scène suivante illustre son martyre sur les rives du Stirone. La figure centrale de la scène est le bourreau, vêtu d'une cotte de mailles, l'épée haute prête à tomber sur le cou de la victime; placée en diagonale par rapport aux épées des personnages précédents, cette lame dégainée est la note vibrante qui anime toute la composition, le cœur de toute l'histoire. Vient ensuite le martyr décapité, la tête coupée reposant sur un socle, puis à nouveau le martyr avec la tête dans ses bras qui se prépare à traverser le torrent Stirone (Sisterionis, précise la légende); au-dessus, deux anges en plein vol emportent la tête (c'est-à-dire l'âme) de Domnin au ciel. Avec le quatrième panneau (ébrasement de droite du portail, au-dessus des colonnettes qui ont ici de petits chapiteaux à feuillage) commencent les scènes des miracles du saint. Le corps de Domnin est étendu dans le sépulcre, sa tête entre ses mains. A l'église construite plus tard en cet endroit un malade se rend pour demander la guérison : c'est le même "aegrotus" déjà rencontré sur un bas-relief de la tour septentrionale, qui est arrivé à cheval et qui entre en se courbant avec peine dans l'église représentée aussi petite qu'une niche. En sortant guéri, le miraculé ne retrouve plus le cheval, volé par un brigand; mais alors intervient encore le saint thaumaturge, et le cheval échappant au brigand revient à son maître. Toute l'histoire est synthétisée en trois figures sur un fond d'arbres : Domnin gisant, Yaegrotus qui s'accroupit pour entrer dans l'église, le brigand qui retient le cheval, une main sur le museau, et s'accroche de l'autre à un arbre. Les légendes complètent le récit en expliquant : hic jacet corpus martyris, hic sanatur aegro-tus, hic restituitur equus. Le troisième et dernier panneau, à l'extérieur du porche, représente un autre miracle, bien plus tardif, et non dépourvu de vraisemblance historique : l'écroulement d'un pont sous le poids d'une grande foule, dont toutes les victimes sortirent indemnes, y compris une femme enceinte. C'est le pont sur le Stirone qui se trouvait devant l'église de San Donnino ...; l'écroulement se produisit à l'occasion de la redécouverte des reliques du saint dans la crypte de l'église, bien des siècles après le martyre, et de leur ostensión aux fidèles. Ce fut précisément le grand concours de peuple qui surchargea le pont et le fit céder. La scène est représentée de façon beaucoup plus élaborée que les précédentes, avec de nombreux personnages (dont la femme enceinte au centre) réunis en une seule composition, une tentative de perspective et une représentation soignée des détails, particuliè­rement dans les poutres du pont. Un large bandeau décoratif à rinceaux avec des fleurs, des feuillages et des grappes de raisin, élégamment dessiné et finement exécuté, typi­que du style d'Antelami, surmonte à l'extérieur du porche les bas-reliefs racontant la vie de saint Domnin. Au-dessus de ce bandeau se trouvent encore, des deux côtés, d'autres bas-reliefs figuratifs; mais leur disposition fortuite et désordonnée montre clairement que ce sont des fragments disparates provenant de la tour septentrionale (où le bandeau sculpté est mutilé, on l'a vu) ou bien d'ailleurs. Ils méritent quand même l'examen, car tous appartiennent à la même « génération » que les autres bas-reliefs, même s'ils ne sont pas tous de la main du « maître de saint Domnin ». A gauche, nous trouvons une Adoration des mages à laquelle fait suite immédiatement le songe de Joseph; à côté nous trouvons le curieux détail de deux corbeaux buvant dans un calice ; pas très facile à expliquer, c'est peut-être un simple divertissement du sculpteur. Ce panneau, par son thème, prend la suite des trois mages à cheval ; il semble donc naturel de supposer qu'il provient de la tour septentrionale. A droite le prophète Élie sur le char qui l'emporte au ciel ; au sol Elisée prie à genoux. La représentation du mouvement ascendant est intéressante : il est rendu par un plan incliné (comme l'aile d'un avion au décollage) sous les sabots des chevaux. Le vent de la course est marqué par la barbe du prophète rebroussée en arrière et par les rubans de sa coiffure qui voltigent. Un troisième panneau disparate se trouve dans le haut, du côté droit : c'est une composition carrée, encadrée d'une frise de grecques, qui représente le prophète Enoch au paradis. Revenons au niveau inférieur, pour examiner les deux « ailes » du portail, à savoir les niches des prophètes et les bas-reliefs qui les entourent. Les prophètes sont David à gauche (recon-naissable à sa couronne) et Ézéchiel à droite : deux superbes statues en ronde-bosse, la tête tournée vers la porte comme s'ils invitaient à entrer, portant deux phylactères qui tous deux développent le thème de la Porta Domini. Ce sont là les œuvres que l'on peut le plus sûrement considérer comme dues à Antelami lui-même. On regarde également comme d'authentiques sculptures du maître les quatre panneaux très élégants avec des animaux fantastiques à double forme, un de chaque côté des deux niches : griffon, capricorne, harpie, centaure. Tous les quatre sont formés des corps de deux animaux, allusion symbolique - dans l'esprit du Moyen Age - à la lutte entre le bien et le mal. Même le cul-de-four des deux niches est décoré de sculptures, au-dessus de la tête des prophètes : une Présentation de Jésus au temple au-dessus de David ; et au-dessus d'Ézéchiel une Vierge à l'Enfant entourée d'un arbre feuillu. Pour finir, les bas-reliefs à côté des niches (au-dessus des quatre panneaux d'Antelami avec des animaux fantastiques) représentent l'ultime invitation à pénétrer dans l'église. Deux anges, un de chaque côté, en indiquent la porte, et derrière eux viennent deux familles différentes de fidèles : pèlerins riches et élégamment vêtus d'un côté ; pèlerins pauvres de l'autre, avec des attributs de paysans. Ici encore se confirme la répartition symbolique déjà signalée : les puissants à la droite du Christ, les humbles à sa gauche. Le Christ-Juge siège sur un trône à l'ar­chivolte du porche (un peu dans l'ombre, à cause du toit protecteur qui le surmonte). Vers lui montent deux files de petits personnages sculptés sur la bordure de l'arc : du côté gauche ce sont six prophètes en commençant par Moïse, qui tiennent en main autant de phylactères avec les commandements (Ancien Testament); du côté droit, se trouvent six apôtres, commençant par Pierre, avec des phylactères se rapportant aux Béatitudes (Nouveau Testament). Les prophètes portent une coiffure conique, les apôtres le nimbe. Les six figures de chaque côté forment en tout le nombre sacré de douze, mais elles n'épuisent pas tous les prophètes, ni tous les commandements, ni les apôtres. Il y a là une invitation à compléter les deux cortèges le long des deux impostes de la voûte du porche; mais nous n'y retrouvons que deux prophètes à gauche et un apôtre à droite. Dernier détail avant de quitter la façade : encastré dans la souche de la tour méridionale, nous trouvons un panneau isolé très abîmé, presque indéchiffrable. Il devait représenter le vol d'Alexandre le Grand avec deux chevaux ailés, légende médiévale d'origine obscure, qui reprend le thème de l'ascension au ciel déjà présenté par le bas-relief du prophète Élie. Plus bas est gravée l'ancienne mesure locale dite trabucco égale à 3 m 27. La façade, d'après les chroniques mesurait huit trabuccbi, soit 26 m 16, chiffre qui correspond avec une approximation honnête à la dimension réelle.

Des deux faces latérales, la face Sud donne sur la rue, tandis que la face Nord - moins intéressante - donne sur la cour de l'évêché. La face Sud est scandée de robustes contreforts, correspondant aux six travées des nefs latérales à l'intérieur. Toute la construction (murs gouttereaux, chapelles, clocher) est en brique : le parement en pierre est en effet réservé aux parties plus importantes, façade et abside. Aux quatre premières travées ont été ajoutées des chapelles d'époque postérieure parmi lesquelles se distingue particulièrement la quatrième, de la fin du XVe siècle, décorée en brique, ... Dans les deux dernières travées, on remarque les arcs brisés aveugles réalisés au cours de la dernière campagne de construction, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Dans la partie haute, au-dessus des chapelles et des arcades aveugles, se déploie une galerie d'arcades en plein cintre à colonnettes, cou­ronnée sous l'égout du toit d'une frise d'arceaux entrecroisés. La même frise est reprise plus haut, terminant le mur extérieur de la nef centrale; cette seconde frise est cependant enrichie d'un bandeau en dents d'engrenage fait de briques mises en biais, procédé stylistique typiquement roman. Une observation minutieuse des chapiteaux des colonnettes a révélé un crescendo marqué dans la finesse de la facture lorsqu'on va de la façade vers l'abside, détail qui semble indiquer une évolution parallèle dans le temps : plusieurs décennies séparent les premiers chapiteaux des derniers. On trouve parmi ceux-ci des chapi­teaux figuratifs pleins de vie : la sirène à double queue, un loup encapuchonné comme un moine, etc. La cathédrale, ..., n'a pas de transept. Le décrochement entre la face latérale et l'abside s'opère donc par l'intermédiaire du clocher, inséré entre la dernière travée de la nef et le mur extérieur du sanctuaire. Le clocher est du XVIe siècle, on l'a dit, mais d'après certaines observations archi­tecturales, il semble avoir été construit à la place d'une tour romane préexistante. Le chevet révèle clairement l'implantation particulière de la cathédrale de Fidenza, .... Ce qui est singulier, c'est la profondeur du sanctuaire (dictée par les dimensions de la crypte, exceptionnellement longue), renforcée par l'absence du transept et par les terminaisons à mur droit des nefs latérales. Vue de l'extérieur, la nef centrale qui se prolonge dans le sanctuaire semble présenter un élan vertical anormal par rapport aux modèles romans; et l'abside semi-cylindrique, isolée, paraît tout aussi haute et élancée. Là où l'œil attendrait une autre abside semi-cylindrique pour terminer la nef latérale Sud par une surface courbe, nous trouvons à la place le prisme du clocher, avec ses arêtes nettes, et en plus son élan vertical. Cette impression de verticalité gothique, due à la solution architecturale adoptée, nous incite à dater l'abside des tout derniers temps de la période de construction de la cathédrale, c'est-à-dire dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Cette impression se trouve confirmée par l'examen du parement de marbre qui manifeste - surtout dans la partie haute et dans le couronnement -un goût très marqué pour le décor. Voyons cela de plus près. Le demi-cylindre de l'abside présente à la base une plinthe très importante en hauteur comme en épaisseur, d'où s'élèvent quatre colonnes qui - recevant trois arcs aveugles en plein cintre - divisent l'abside en trois panneaux jusqu'à plus de la moitié de sa hauteur. Dans chacun de ces trois panneaux s'ouvre une fenêtre simple haute et étroite, encadrée de moulures multiples et flanquée de deux fines colonnettes. Au-dessus des trois arcs se poursuit la galerie d'arcades en plein cintre que nous avons déjà trouvée le long de la face Sud. Ici au chevet les arcades acquièrent une plus grande valeur tant par l'emploi de la pierre au lieu de la brique que par la présence d'éléments décoratifs supplémentaires, comme les rosaces ou autres frises dans les écoinçons des arcs (dont on peut soupçonner cependant que ce sont des adjonctions postérieures). Le bandeau terminal se révèle particulièrement élaboré : une frise d'arceaux entrelacés soutenus par des modillons à petites têtes d'animaux, un ruban en dents d'engrenage, et enfin un large cordon tressé qui fait le raccord avec la corniche de l'égout du toit. C'est peut-être ce dernier trait stylistique qui révèle le plus nettement l'arrivée de la sensibilité gothique au cours de la dernière phase de la construction. La sculpture d'Antelami nous réserve encore - après l'ensemble organisé de la façade -quelques épisodes savoureux, répartis de façon quasi clandestine sur l'abside. Il s'agit de quatre panneaux isolés provenant d'un ensemble dispersé des travaux des mois, et encastrés au hasard dans le mur : un au flanc du sanctuaire, à l'angle qu'il forme avec le clocher; un autre dans le contrefort qui divise le côté de l'abside, deux de part et d'autre de la fenêtre centrale de l'abside. A ceux-ci il faut ajouter, pour le plaisir d'être complet, un segment de frise encastré dans le bas du mur terminal de la nef latérale Sud, très abîmé et presque indéchiffrable, et un relief sur la plinthe de l'abside, dans la partie gauche, représentant un chien qui poursuit un cerf. Il faut accorder une attention particulière aux panneaux des travaux des mois, qui représentent une contribution supplémentaire à ce thème si cher à l'art roman : une page de plus, fragmentaire il est vrai, à comparer aux autres. Le premier panneau (selon l'ordre dans lequel nous les avons mentionnés) représente le mois de mai, sous la forme d'un cavalier avec lance et bouclier, surmonté du signe zodiacal des gémeaux. Ensuite, sur le contrefort, le mois d'août est représenté par une vierge (signe du zodiaque) en train de cueillir des fruits sur un arbre. Puis, à gauche de la fenêtre, mars et avril réunis sur un même panneau, sans signes du zodiaque : mars est un homme barbu sonnant de la trompe, avril une jeune fille avec un bouquet de fleurs. De l'autre côté de la fenêtre, janvier est peut-être la représentation la plus curieuse et la plus savoureuse. C'est un homme à deux têtes (Januarius, dérivé de Janus bifront) et trois jambes (l'une sans pied, repliée) qui se réchauffe au feu sur lequel bout une marmite; celle-ci pend au bout d'une chaîne à gros maillons attachée dans le haut à un bâton ; à celui-ci sont suspendues également trois saucisses mises à sécher. Où pouvaient se trouver à l'origine ces travaux des mois, il est difficile de le dire. L'hypothèse la plus acceptable est celle d'un portail de l'école d'Antelami sur la face Sud, démonté pour faire place à la construction des chapelles. ...

... L'intérieur de la cathédrale de Fidenza - à trois nefs, sans transept -se révèle sobre et sévère ; bien restauré (sentant peut-être un peu trop le neuf dans les maçonneries, les enduits et les marbres du pavement) et heureusement indemne de baroquisation, baldaquins et autres oripeaux. Le jeu de couleurs provient du rouge de la brique apparente, largement contrebalancé par le gris des piliers, des arcs, des colonnes et de l'enduit de la voûte. La nef centrale est divisée en trois travées rectangulaires par de forts piliers composés qui sur leur face interne se prolongent verticalement vers le haut le long des murs jusqu'à la retombée des croisées d'ogives. Trois paires de piliers secondaires - qui montent seulement jusqu'à l'imposte des grandes arcades - divisent en deux l'unité de base et doublent le nombre des travées dans les nefs latérales. Il y a donc six travées carrées par côté, prolongées vers l'extérieur par autant de chapelles qui, sur le flanc Nord, sont de faible profondeur, tandis qu'au Sud elles ont été agrandies (pour les quatre premières travées) par des remaniements des XVe et XVIe siècles. Les nefs latérales sont couvertes de voûtes d'arêtes sans nervures, séparées entre elles par des arcs transversaux en brique. Au-dessus, des deux côtés, se déploient les tribunes, couvertes en charpente apparente, qui donnent sur la nef par six baies quadruples à colonnettes. Prises sur l'épaisseur du mur sont dessinées six arcades en brique, correspondant aux grandes arcades du dessous, et d'égale ouverture; c'est dans chacune de ces arcades que s'insèrent les baies quadruples. Au-dessus des tribunes, les murs ont encore un troisième registre, divisé en trois par les piliers principaux; c'est là que sont situées les fenêtres (simples, six de chaque côté) qui éclairent la nef. Cette répartition de l'espace, et en particulier le trait des tribunes aux baies composées encadrées d'arcades épousant le rythme des grandes arcades, apparente étroitement la cathédrale de Fidenza à celle de Modène. ... Diverses caractéristiques architecturales, beau­coup plus tardives, se rencontrent dans le sanctuaire et en particulier dans le cul-de-four de l'abside; mais la différence la plus évidente vient des voûtes en croisées d'ogives de la nef centrale qui ont probablement remplacé une couverture en bois à charpente apparente dans l'église de 1106 et furent réalisées dans la seconde moitié bien entamée du XIIIe siècle. La largeur de la nef centrale va nettement en diminuant de l'entrée au sanctuaire, passant de 10m50 à 8m 90: c'est un artifice de perspective voulu, qui augmente l'effet de profondeur. Le sanctuaire est notablement surélevé; on y accède par trois escaliers, l'un au milieu de la nef (qui commence à la fin de la deuxième travée) et deux latéraux perpendi­culaires au premier. Aux côtés de l'escalier central descendent les deux escaliers qui mènent à la crypte. Le sanctuaire (et la crypte au-dessous) a une longueur d'environ 18 m; en y ajoutant l'escalier, on arrive à 23 m 40, chiffre égal à la moitié de la longueur interne totale de l'église (47 m). La crypte est divisée par des colonnettes en trois nefs de six travées chacune. Le décor sculpté à l'intérieur de la cathédrale se compose des chapiteaux des piliers, de ceux des colonnettes des tribunes, des bas-reliefs sur l'arrondi de l'abside et d'un remarquable bénitier. ...

(extrait de : Emilie romane ; Sergio Stocchi, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1984, pp. 83-97)

Coordonnées GPS : N44.8665 ; E10.057725

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